Madinati : vue d'ensemble et changement de formule

Publié le par Mel

Alors, pour commencer notre petite analyse systématique du journal gratuit Madinati numéro de juin, dont le sommaire apparaît super alléchant, on va partir de la maquette du magazine, de son contenu visuel, etc.

Pagination, format et papier

Première remarque, le magazine a changé de formule. Avant, Madinati était un 38 pages (couv incluse) hebdomadaire, avec couverture en grammage 120 et pages intérieures en 80gr, format légèrement inférieur à l'A4, dos piqué.

Maintenant, il s'agit d'un mensuel de 102 pages, dos collé, couverture glacée 220gr et pages intérieures 100 gr, demi-format (le demi-format est un format d'un peu plus d'une demi-page A4 utilisé généralement en France pour les féminins "de poche" par exemple). En fait, Madinati a repris la formule de son copain (même groupe de presse) Plurielle, mag féminin gratuit en 150 pages, même grammage.

Les deux premières remarques que m'inspirent cette nouvelle formule sont évidentes :

- 1) le papier et l'impression doivent être plus simples à négocier avec un format unifié. Pour peu qu'ils achètent le papier pour un an, on peut négocier bien, avec une diffusion à 100 000 ex par mois pour les deux titres. Sans compter que le demi-format est un format classique, pas de callage machine spécifique.

- 2) la formule hebdo pour un gratuit à diffusion urbaine est plus dangereuse ici qu'en France et a moins de chances de bien fonctionner. Ici, les mags gratuits sont diffusés dans les bars et restos branchés, pas dans le métro, et pour cause, y'en a pas. Donc la distribution est plus lente et peut-être plus incertaine. Un mag qui fait vraiment mag a plus de chances d'être emporté, sans compter que, en un mois, on est sûr que le support sera vu, tandis qu'en une semaine...

Le tout nous amène à une réflexion sur le coût global de publication. Le nombre d'exemplaires publié est indiqué sur chaque support. Une règlementation marocaine ou du pipeau ? Impossible à savoir, mais peu importe, à dire vrai. Le raisonnement tient toujours. Madinati ancienne formule était publié chaque semaine à 50 000 exemplaires. La nouvelle formule est publiée mensuellement à 55 000 exemplaires. L'économie en terme de papier et d'impression est au minimum de l'ordre du X2 (ça serait du X4 si le papier et le format étaient les mêmes qu'avant puisque un mois comprends 4,5 semaines à traiter, mais on a du dos collé et un grammage supérieur. Dépendant d'à quel point ils négocient bien, ça va du vrai X4 [en comptant moins de papier, format plus petit, plus simple à caller et tout et tout] au X2). Il faut comparer cela au revenu généré par la pub dans le support avant et après. Voyons, voyons... J'ai là deux Madinati ancienne formule et deux Madinati nouvelle formule, faisons une moyenne du nombre de pubs parues dans chaque formule et comparons...

Nombre de pub et nature desdistes

- Madinati ancienne formule
16 pages grosso modo, dont les 4 couv' et pas mal de doubles, voire triple pages, ce qui veut dire des réductions par rapport au prix de la page à l'unité. (sur 38, c'est à la limite du respect de la législation française pour être qualifié de journal... Mais je ne connais pas la réglementation marocaine).
- Madinati nouvelle formule
40 pages grosso modo, dont les 3 couv' plus mention sur la première de couv de la première double, plus, sur le numéro d'été, une couv' modifiée avec encart pub sur deux pages de couv' en rabattant, ce qui veut dire une augmentation conséquente du prix de la pub. (sur 102 pages, la proportion mag/pub est donc un peu meilleure, mais pas des masses, en revanche, elle le parait, parce qu'ils ont beaucoup de pages d'annonces immobilières d'agences, que je compte comme pub mais que le lecteur innocent verra comme du contenu. En général, ce type de contenu "sponsorisé" se paye moins cher que de la "vraie" pub, mais tout de même, il rapporte au support pas mal de pognon parce qu'ils ne se vend pas sans une page pub et rajoute un peu au prix. Multiplié par le nombre de pages, sans compter que ce sont des pages contenus gratuites, c'est très rentable.).

Conclusion
La nouvelle formule ramène beaucoup plus d'argent, c'est évident. Elle coûte 2 à 3 fois moins cher et rapporte autant ou presque, parce qu'un support mensuel est plus cher en terme de pub, surtout quand la qualité du papier garanti un meilleur rendu et une meilleure visibilité du format. Reste à savoir combien sont investi de ces nouveaux revenus dans le contenu (qui représente en général pas plus de 5% du coût d'un mag, du moins en France) et la photo (qui peut être beaucoup plus coûteuse).

Revue visuelle comparative des deux formules

Madinati ancienne formule
- pas de couv' : c'est une pub
- photos : basiques, parfois mal cadrées (faites par les journalistes eux-même donc, pas de photographes pro. Vérification de ma théorie... Ah, si, ils ont une agence photo... Pour l'icono rubrique, peut-être ?), souvent pas détourées.
- Mise en page : typique années 80. C'est rigolo. 3 colonnes mal équilibrées, ils devaient pas s'emmerder beaucoup.

Madinati nouvelle formule
- couv' avec photo d'agence typique. Remakettage de la couv' pas mal fait, extrêmement facile à remettre en page (Titre du mag en tranche, sommaire à droite, dossier principal en bas, juste avant le bandeau de pub, numérotation en haut à droite, avant le sommaire.)
- photos : y'en a 10 fois plus, des photos d'agence, en règle générale. Bien retraitées, bien cadrées, en pleine page, souvent. Ah ! Ben oui, ils ont un directeur artistique, maintenant, pas étonnant.
- mise en page : classique, toujours du 3 colonnes mais avec photo pleine page d'ouverture, intertitres en avant, photo demi-page pour la deuxième double, etc. Du mag genre "sérieux" français bien fait, facile à mettre en page, très calé. En revanche, sur une page de brève, je remarque un décallage entre le titre de la brève et la brève elle-même et énormément de veuves et d'orphelins partout dans le mag, sans compter les lignes creuses, etc.

Conclusion
- Ils ont dû payer cher la nouvelle maquette, sobre et efficace, plus moderne et plus adaptée à l'image de mag d'info "in". A ce propos, ils ont un nouveau slogan, en haut à droite de la couv', "Le magazine des urbains", avant, c'était "Plus besoin de la chercher, l'info vient à vous". Eh oui, c'est meilleur maintenant, pas à tortiller.
- En revanche, clairement, pour l'exé, ils s'emmerdent pas. Mais bon, c'est assez logique, c'est pour ça que tu paye cher une maquette, pour ne plus avoir de problèmes après. Ils pourraient quand même faire un effort de relecture graphique, ceci dit...
- Ils ont investit dans la photo, avec plus de photos d'agence et un directeur artistique. Oui, mais ça justifie certainement d'un doublage de leur prix pub et c'était le minimum qu'ils devaient faire pour passer mag. Vérification... Oui, c'est bien ce que je pensais, le directeur artistique, en prime, est le même que pour Plurielle. Ils mutualisent le salaire d'un mec sur deux supports, on ne peut plus logique, ils en avaient besoin pour le féminin, de toute façon. Quand aux photos d'agence, elles sont pas exclusives pour le support, ça se voit. On peut supposer l'achat de plusieurs CD d'images génériques et quelques photos circonstancielles achetées au coup par coup. Pas de mention de photographe, coût minimum pour un rendu propre, donc.

Revue comparative au survol du contenu des deux formules

Madinati ancienne formule
- Sommaire visuellement tellement semblable à la pub qu'on le voit pas. Déjà, c'est gênant pour la lecture.
- Plusieurs articles souvent du même journaliste.
- 9 pages d'articles / dossiers, 8 pages de brèves thématiques.
- Sujets traités mal équilibrés (exemple, dans le numéro 49, 3e semaine d'avril, on a un article sur la circulation à Casa, un article traitant d'urbanisme à Casa ET un article traitant des entraves à la circulation... Sur 4 articles !!!)
- Mise en valeur de l'info : titre, sous-titre, un intertitre ou exergue.
- 4500 signes par pages environ (une ligne de colonne = environ 37 signes X 50 lignes par colonnes X 3 colonnes par pages = 5500 signes desquels il faut décompter les photos et espaces titres.) Serré, pas engageant, mais c'est logique puisqu'ils n'ont pas de photos.

Madinati nouvelle formule
- Sommaire clair et visible.
- Toujours aussi peu de journalistes (les mêmes d'ailleurs), donc plusieurs articles du même, souvent.
- Articles : répartis en rubriques claires : édito, actus, reportage photo, dossier,  test, interview, P'tite histoire, agenda culturel, pratique, jeux, etc., puis rubriques thématique : économie, international, politique nationale, société, etc.
- Sujets traités nécessairement équilibrés avec cette formule, puisque répartis par thèmes et rubriques.
- Mise en valeur de l'info : Titre, intro, rubrique, un intertitre, un exergue, photos (mais pas de légendes, dommage), plus un encadré pour le dossier ou les articles de titre.
- 3000 signes par page de mag (hors page d'intro article photo avec 500 signes de texte) : une ligne de colonne = environ 30 signes X 30 lignes par colonne X 3 colonnes par pages = 2970, auxquels on soustrait les photos et espaces mais auxquels on ajoute le titre et l'intro non comptabilisés. C'est toujours serré (pas oublier qu'on est passé en demi-format), mais la maquette utilise à fond les blancs bien placés qui semblent aérer le texte et faut pas oublier les demi-pages de photos et les pages d'ouverture photos. L'ensemble fait mag sérieux, c'est le but.

Conclusion
En terme de prix, il est certain que le contenu ne leur coûte pas plus cher, voire moins puisque les journalistes produisent moins en un mois qu'avant. Ah si, ils ont quand même pris la peine d'acheter un rédacteur en chef, avant, il n'y avait que le directeur de publication qui faisait office de "conseiller à la rédaction" (c'est d'ailleurs toujours le cas et c'est logique si l'on pense qu'en France, c'est lui qui signe chaque page pour le dépot juridique et qui est responsable pénalement du contenu). Cela explique les sommaires mal équilibrés de l'ancienne formule et représente en effet une certaine somme, mais de toute façon, le coût d'un rédac chef était inévitable, à terme.
Maintenant, si l'on se base uniquement sur la mise en valeur de l'info, les sujets traités dans le sommaire, la mise en page, la mise en valeur graphique, la nouvelle formule de Madinati est en tous points meilleure que la précédente. Les articles semblent plus fouillés rien que par leur mise en valeur et leur rubriquage, bref, c'est très efficace. On remarquera qu'au final, ce n'est évidemment qu'une illusion puisque les journalistes sont les mêmes et ne sont pas plus nombreux d'une formule à l'autre, mais bon... On peut leur laisse le bénéfice du doute, dans la mesure où l'info est agencée différemment, elle est également nécessairement traitée différemment. Et puis, ils ont plus de temps pour pondre comparativement bien moins de texte, puisque la nouvelle formule ne contient pas autant d'articles que 4 numéros de l'ancienne.

Conclusion générale de cette première analyse

Madinati ancienne formule ne ressemblait à rien ou alors, à peine à quelque chose de comparable avec le gratuit du Mac Do. Il était tant visuellement qu'en terme de contenu pas crédible et, en ce sens, pas dangereux pour la vraie presse, la payante. On le lisait en ayant parfaitement conscience que c'était faute de mieux. Mais la nouvelle formule... C'est autre chose. Elle correspond en tous points à TOUS LES CRITERES de la presse magazine française, qui est pourtant dure : proportion pub/article, mise en valeur de l'info, rubriquage, maketage, photo, etc., Madinati est tout à fait comparable à tous les mags d'infos qui se vendent... Et là, nous rentrons dans la zone floue du danger. Comme on l'a vu, les journalistes sont les mêmes, donc le contenu n'a pas pu progresser énormément en terme de qualité. Reste à savoir s'il a toujours été correct ou bien s'il est simplement bien déguisé maintenant...
Ce sera pour demain, si vous le voulez bien !

Publié dans Réflexions en vrac

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