Des chats au Maroc
Bonjour à tous,
Alors aujourd'hui, je vais vous parler d'un autre sujet qui me tient à coeur : les chats et plus précisément, les chats au Maroc. Pour ceux qui ne me connaissent pas, sachez que j'ai tenu pendant quelques temps une chatterie de persans et que je suis tout simplement incapable de vivre sans chats. Le bonheur, pour moi, c'est lire un bon livre, tranquilement installé avec un chat sur ses genoux, et je m'imagine bien, lorsque je me mets à fantasmer sur un avenir radieux de grand écrivain, devenir une vieille dame grincheuse qui jure comme un charretier, terrorise les journalistes et vit entouré d'une multitude de chats regardant la vie passer d'un oeil nonchallant.
Bref, passons sur les détails scabreux de mon imagination relativement malsaine et arrivons-en au fait. Le Maroc est, comme bien vous le savez, essentiellement un pays musulman. D'ailleurs, SM le roi est également Commandeur des Croyants et descendant direct, dit-on, de Fatima, la fille du Prophète. Et comme dans tout pays musulman, vous verrez beaucoup de chats traîner un peu partout. Pourquoi, me demanderez-vous avidement. La légende dit que le Prophète (ou alors un de ses amis, les versions diffèrent sensiblement d'une personne à l'autre), alors qu'il était en train de prier, découvrit qu'une chatte était en train de mettre bas sur sa djellaba. Afin de ne pas la déranger durant sa parturition par ses génuflexions, il aurait alors découpé sa djellaba tout autour de la chatte. Depuis, les chats sont considérés comme des animaux "purs", propres en d'autres termes. Car comme vous le savez, les musulmans doivent pratiquer des ablutions avant de prier, mais s'ils caressent un chat après leurs ablutions et avant leur prière, c'est pas grave. En revanche, s'ils caressent un chien, ils doivent refaire leurs ablutions sept fois de suite avant d'être considéré comme assez purs pour prier Dieu. C'est pourquoi les chiens sont peu aimés en pays musulman et très peu de marocains en ont comme animal de compagnie.
Ceci dit, en fait, les marocains ont peu de chats en tant qu'animal de compagnie non plus. Ils les nourissent, n'osent pas trop leur faire du mal même s'ils ne les aiment pas, contrairement à nos campagnes où le caillassage de chat est devenu un passe-temps quotidien, mais bien peu de marocains envisagent sérieusement la possibilité de garder un animal quelconque chez soi pour le simple plaisir de sa compagnie : c'est un concept de riche, ça. Ce qui fait que vous verrez quantité de chats sur les marchés, chacun ayant son ou ses étals de préférence où ils sont grassement nourris, confortablement installés sur un coussin dans presque toutes les gargottes de la ville, nonchalament étendus en plein milieu du trottoir avec une confiance que nos européens ne connaîtrons jamais, mais que tous les marocains qui sont venus chez moi se sont étonnés et émerveillés d'y trouver des chats.
D'ailleurs, quand je suis revenue en France pour venir les chercher, ou plus exactement, quand JMA a annoncé ça à ses collègues, certains lui ont demandé si vraiment, je ne faisais le voyage que pour ça. Quand JMA a répondu qu'effectivement, c'était le cas et je ne ferais qu'en profiter pour voir amis et famille, ils n'ont rien dit, bien sûr, mais l'on sentait bien que l'idée leur semblait absurde : les chats, ça court les rues, quelle idée d'y attacher une quelconque importance, sans parler d'une importance suffisante pour justifier un voyage si onéreux !
Mais depuis qu'ils sont là, ils fascinent, mes persans. Faut dire que les chats marocains (dieu, qu'ils sont beaux !) sont tout fins, l'oeil vif, le nez pointu et la démarche légère. Alors que mes patapoufs, eux, eh bien, ils sont comme d'habitude : patapoufesques. Beaux, certes, mais bon, vraiment bizarres. Déjà en France, ils étaient bizarres, mais ici, il n'y en a pas d'autres comme eux, tout simplement. Du coup, tout le monde les trouve magnifiques : ma bonne voudrait même que je les amène chez elle pour les montrer à sa fille et à ses nièces ! J'ai suggéré plutôt de faire l'inverse, parce que bon... Mais c'est dire à quel point l'inutilité mêlée à l'étrangeté de ces bestioles que j'adore ont augmenté mon prestige : il faut vraiment être fou et très riche pour avoir des chats qu'on ne trouve pas ailleurs dans ce pays où l'on trouve dix chats sous chaque voiture !
Il y a relativement longtemps, j'avais un copain américain. A l'époque, voulant impressionner mon monde, je fumais avec un fume-cigarette et JMA fumait encore régulièrement la pipe. Le copain en question trouvait ça extraordinaire, fascinant, c'était "so french !!". Le fait qu'il ait passé quelques un an et demi à Bordeaux sans jamais rencontrer quiconque d'autre qui fume la pipe ou utilise un fume-cigarette ne l'a pas empêché d'arriver à cette conclusion effarante que c'était à cela qu'on reconnaissait que nous étions français. J'ai bien l'impression que dans le cercle de connaissances que nous nous créons actuellement, être français, c'est avoir des persans...