De l'installation et de ses difficultés

Publié le par Mel

Bonjour à tous,

Alors aujourd'hui, JMA et moi nous sommes préoccupés, maintenant que nous savons où nous voulons habiter, de savoir quand nous y habiterons, c'est à dire quand recevrons-nous nos meubles, par exemple. Et bien, ce n'est pas gagné... Je m'explique : pour pouvoir faire venir nos meubles au Maroc, il faut le contrat de travail de JMA, ça paraît simple. Oui, mais en fait non, car il ne s'agit pas de son contrat de travail signé par son entreprise, mais de celui qu'établit le ministère des affaires étrangères marocain, après reconnaissance du fait que la préférence nationale ne peut s'appliquer dans son cas, dans la mesure où ses compétences ne sauraient être trouvés au Maroc. Bref, en tout et si vous avez de la chance, ce petit bout de papier (nécessaire à l'obtention d'une carte de séjour, elle même nécessaire pour ouvrir un compte marocain complet, etc.) se fait attendre un minimum de 6 mois... Mais bon, rassurez-vous, il y a un moyen de contourner le problème : demander à la filiale marocaine de la boite de déménagement de viser le contrat de travail de JMA (légalisé, souvenez-vous, par tout un tas de tampons colorés à la mairie, plus la signature de l'employé de mairie et la contresignature du supérieur hiérarchique dudit employé de mairie) et de certifier que le contrat est valide et suffisant pour autoriser légalement JMA à déménager... Ouf ! Ben c'est pas simple, hein !

Mais si vous pensez, comme me l'ont dit un certain nombre de gens, que l'administration marocaine est pire que la française, vous n'y êtes pas mes bons amis ! Le pire, c'est la sécurité sociale des expatriés ! Normalement, c'est la sécurité sociale, vous dites-vous, elle devrait récupérer le dossier, comme lorsque vous déménagez d'une région à une autre. Là, vous êtes juste à l'étranger. Que neni ! En fait, ce n'est pas du tout, mais alors pas du tout la même chose ! Il faut donc que vous fournissiez votre attestation sécu et, en règle générale, l'ensemble de votre dossier (identité, compte bancaire, soins particuliers pris en charge par la Sécu et tout et tout), preuve à l'appui.

Bon, mais tout ça sont des détails, triviaux au demeurant. Non, ce qu'il y a de rigolo, c'est encore et toujours cette fameuse conception du luxe qui nous rattrape, dans l'aménagement également. Je m'explique : une bibliothèque sur-mesure, n'est-ce pas le rêve de toute personne sensée qui, comme moi aime les livres et les consomme à un rythme tellement hallucinant que leur nombre s'accroit d'une manière exponentielle ? Et bien ici, dixit une collègue de JMA, le top du top c'est... "KITEA" !!!! Le nom vous dit peut-être quelque chose ? Normal ! Les mêmes produits ou presques, les mêmes gammes de non couleur neutrasse, les mêmes notices de montage ignobles qu'IKEA, en presque aussi cher et en plus merdique ! Du coup, vous vous rendez bien compte qu'une bibliothèque Billy à 80€, c'est un luxe inouï pour qui gagne en moyenne 350€ par mois ! Ergo, acheter du meuble en bon bois massif (c'est pas ce qui manque par ici) fabriqué sur mesure, c'est considéré comme franchement nul quand on peut se payer du contreplaqué à monter soi-même !!!

Ben moi, je suis pas convaincue, je crois quand même que je vais me faire faire ma bibliothèque... Par contre, s'il le faut vraiment, je veux bien acheter un canapé BUT ou KITEA, mais quand même, ça fait mal de penser que ce que j'avais toujours considéré jusque là comme de la merdouille pour étudiants fauchés devient le fin du fin...

Dans la même veine, vous vous souvenez que les supermarchés sont des endroits de luxe, n'est-ce pas ? Bon, et bien, dans un endroit de luxe comme celui-ci, vous vous attendez à ce que la nourriture y soit plus fine, plus variée, plus gouteuse... Pour le plus varié, peut-être, encore que... Mais pour ce qui est du gouteux, vous repasserez ! Alors qu'au Maroc, vous pouvez manger les meilleurs légumes et fruits que vous trouverez jamais pour un prix modique (de l'ordre de 3Dhs le kilo de tomates, soit 30 cts d'euro), en supermarché, vous avez le privilège de vous taper les mêmes fadasseries que vous trouveriez à Paris en février pour quasiment le même prix !!! Il y a vraiment des choses que j'ai du mal à saisir...

Mais bon, rassurez-vous, les marocains ne sont pas tombés sur la tête, d'ailleurs, ils ont par ailleurs des réflexes que je reconnais bien... Ainsi, la même collègue de JMA, après que celui-ci lui ait demandé incidemment à quel point la mode vestimentaire était importante (parce que les gens sont vraiment habillés dernière mode, c'est impressionant... Surtout quand on considère que, dans le monde occidental qui leur sert de modèle c'est l'hiver et qu'ici il fait toujours 25° dans la journée, alors les bottes et les manteaux bordés de fourrure...), interrogée sur la mode, disait-je donc, la demoiselle répondit, l'air indifférent "oh ! moi, tu sais, la mode... Non, ça compte pas tant que ça. Mais bon, il faut quand même que je me rachète des lunettes de soleil et un sac à main plus au goût du jour. Et de marque bien sûr, pas une imitation, c'est important. Tu comprends, si les gens venaient à remarquer que je porte des faux, ce serait catastrophique !" Et ça, nier les marques, son intérêt pour la mode et ensuite s'y conformer scrupuleusement, c'est ce que fait quasi tout le monde à Paris !

En fait, l'occident est tellement un modèle par ici que TOUT ce qui vient de l'occident est enviable. IKEA est connu en occident, ça en fait une grande marque. Pareil pour McDO, le principe du supermarché ou la mode vestimentaire... Du coup, le Maroc est sans aucun doute l'un des derniers endroits au monde où Lacoste est encore du dernier chic en sportswear... C'est connu, c'est français, c'est cher, c'est donc du luxe !

Du coup, les français sont quelque peu assimilés à tout ça : vous êtes français, vous êtes donc automatiquement considéré comme de bons locataires, forcément solvables et éminemment fréquentables, mais en même temps, une pointe de ressentiment s'installe : vous détruisez une partie des valeurs traditionelles... Il est ainsi du dernier chic de ne parler que français... Mais mieux vaut pour vous bien parler l'arabe quand même, sans quoi les plaisanteries et autres références spontanées (et pas nécessairement contre vous, d'ailleurs, il ne faudrait pas devenir parano) se feront en arabe ! A l'inverse, lors d'une conversation arabe, une phrase particulièrement importante, surtout si elle concerne la réussite professionelle ou sociale, se dira en français !

Bref, voilà l'étendu de ma (faible et parcellaire) compréhension du Maroc aujourd'hui... Pas gagné, hein ?

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M
Bah ! Tu sais comment je suis, toujours un peu parano, et puis mieux vaut prévenir que guérir...<br /> Mais le pire dans toute cette affaire, c'est que personne n'a remarqué le minou en bas de la page... Pourtant, c'est super rigolo, tu peux lui donner à manger, jouer avec une canne à pêche et une boule, le caresser... Bref, de tout ce que j'avais mis en ligne il y a deux jours, je croyais sincèrement que ce serait ça qui ferait le plus de bruit... Serais-ce une déformation due à mon obsession pour les chats ? ;-)
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P
Je suis bien d'accord avec toi Mélanie. D'ailleurs, ça tombe bien parce que mon post ne parle pas du tout du Maroc. :-) Je répondais à 2 remarques du post d'Hervé qui, me semblait-il, répondait à mon premier post. <br /> Le premier point sur le revenu par habitant est un raisonnement qui s'applique à tous les pays car il remet en cause la façon de calculer la richesse des états et en particulier celle des pays sous-développés ce que bcp d'organismes internationaux commencent à comprendre. Et Madagascar est vraiment un bon exemple pour ça. A titre de contre-exemple, demandez-vous comment se fait-il que l'Irlande a le 2eme PIB par habitant de la zone euro, 33% plus élevé que celui de l'Allemagne, de la France ou du Royaume Uni (hors zone euro) ? Y aurait-il une erreur ? :-) Le PIB n'est qu'un indice de la mesure du développement, pas une valeur absolue.<br /> Le deuxième point, concernant le tourisme, est une réponse à la remarque d'Hervé "je crois que je sais pourquoi [..] on dépense plus pour les touristes que pour les pauvres d'un pays dont l'une des principales sources de revenus est le tourisme" et qui je pense répondait à ma remarque sur Maurice. Mais je me trompe peut être, il répondait peut être directement à ta chronique ou c'était peut être une remarque générale. D'où ma réponse qui ne concerne que le cas particulier de l'île Maurice. Je ne connais pas suffisamment le cas du Maroc pour en parler.<br /> Désolé si j'ai pu te faire croire que je faisais un amalgame. Mada et Maurice sont 2 pays de l'océan indien très différents et déjà difficilement comparables. Il n'y a pas de communauté de destins. <br />  <br /> Bises,
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M
Je suis d'accord avec toi, Philippe dans l'analyse que tu fais des désastres que peut provoquer le tourisme et le modèle occidental sur des pays sous-développés. Mais le Maroc n'en est pas un, c'est un pays en voie de développement, ce qui n'est pas du tout la même chose. D'où le fait qu'il ne puisse aisément se comparer ni à la France, ni à Madagascar... Peut-être à l'asie ? Je ne sais pas, je ne connais pas ces régions du monde, mais ce que l'on m'en a dit pourrait me le faire croire. Toujours est-il que l'effet de l'influence occidentale est bien plus balancé qu'on ne le croit. Si certains marocains (mais c'est de moins en moins le cas) pensent toujours à la France comme un Eldorado, beaucoup de français émigrent au Maroc pour les possibilités que le pays offre et que la France dénie... D'où mon post un peu trop virulent, sans doute, par rapport à vos commentaires, mais que, j'espère, vous comprendrez, dans la mesure où j'ai le sentiment que mon humour à deux balles vous a donné une idée fausse de la vie ici.<br /> Bises à tous les deux,
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P
Salut Hervé,<br /> Rassure-toi, je pense que tout le monde a bien compris que c'est difficile d'expliquer à un pauvre que ce n'est pas une solution d'être riche :-) C'est vraiment une idée de riche :-)<br /> Mais mon post ne portait pas sur le pb du revenu par habitant mais sur la destruction systématique de l'environnement à Mada et à Maurice et le fait que les locaux ne comprennent pas tout l'intérêt qu'il peut y avoir à le préserver y compris d'un point de vue touristique. Néanmoins, pour te répondre, le revenu par habitant ne signifie pas grand chose. Même le FMI commence à le comprendre. Tout dépend du contexte. A Madagascar, un des pays les plus pauvres du monde selon nos critères, la majeure partie de la population vit avec moins d'un dollar par jour. Et pourtant, il n'y a pas de famines à Mada parce que les malgaches sont essentiellement des agriculteurs et qu'il y a de l'eau et de la chaleur, donc tout pousse. Il y a donc bien une production de richesses sous forme de céréales, de légumes, de viandes, et des échanges, mais généralement sous forme de troc. Cette richesse ne rentre donc pas dans le PNB/habitant parce que d'après nos critères de calculs, il n'y a pas d'échanges en monnaie sonnante et trébuchante, donc cette richesse est invisible pour nous. Un agriculteur à Mada possède des terres souvent vastes, il y a de la place, une maison, généralement construite avec l'aide de ses voisins, mange des produits sains sans engrais chimiques ni pesticides, ne paie pas d'impôts parce que c'est impossible de lever l'impôt dans tout le pays (et pour payer comment ?), etc. Tu es aussi bien loti en France ? :-) Et pourtant ce type vit avec moins d'un dollar par jour. Mais comment fait-il ? ;-) Le pb du revenu et du PNB est vraiment une façon occidentale de voir les choses...et cette façon de voir est inadaptée à ce type de pays. Elle n'est adaptée qu'aux pays développés. Bien sur, cela n'empêche pas les disparités et la vraie pauvreté car le pays est vaste. L'exode rurale importante à Mada augmente les inégalités car les personnes qui autrefois vivaient correctement de la terre se retrouvent mendiants à Tana, attirés par les villes et "leurs richesses". De plus, le président actuel, Patrick Ravalomanana, qui est le Berlusconi local (c'est le plus gros industriel du pays), est évidemment un fervent adepte du libéralisme à l'américaine. Le résultat est encore un accroissement des déséquilibres entre riches et pauvres. Cette mise en place d'un modèle libéral dans ce type de pays, avec "l'aide du FMI", est généralement catastrophique car le FMI impose des conditions à son "aide" qui ne peuvent fonctionner que dans des pays déjà développés.<br /> Pour Maurice, le pb est différent. Maurice bétonne consciencieusement son littoral pour accueillir toujours plus de touristes. Les promoteurs à Maurice sont peu nombreux et il s'agit essentiellement soit de groupes touristiques et/ou hôteliers étrangers, genre Club Med', soit d'un petit nombre de promoteurs mauriciens très riches. On dépense bcp pour les touristes à Maurice, c'est sur, mais le système ne profite qu'à quelques uns sur place et le reste repart aussitôt via les groupes étrangers installés sur place. Cet apport de touristes provoque aussi des inégalités très importantes entre les plus riches et les plus pauvres. Juste un exemple d'effet pervers : les touristes ne marchandent pas ou peu sur les marchés (pas du tout pour les anglais, ce n'est pas dans leur culture) ce qui a pour effet de faire augmenter tous les prix à des niveaux insupportables pour les locaux. Parfois, suivant les endroits, il y a un prix "touriste" et un prix mauricien, mais pas partout. Les marchands, ou les supermarchés, situés sur le littoral se moquent du prix mauricien. Ils sont là pour faire leur chiffre avec les touristes. Or, Maurice est une tout petite île et on se retrouve vite sur le littoral. On retrouve un cas classique d'augmentation parallèle des revenus pour certains et des prix pour tout le monde (ce qui ne signifie pas un accroissement du pouvoir d'achat pour les mieux lotis) tandis que pour les autres le revenu diminue fortement par rapport à la moyenne. On obtient donc un deuxième effet : l'accroissement de la criminalité dont on parle peu, évidemment. Le Club Med' ne va quand même pas se priver de touristes. Et un troisième effet : les plus pauvres restent parqués à l'intérieur des terres comme des indiens. Mais bon, c'est bien : c'est le modèle occidental, dadadiradada :-) <br /> Évidemment, je suis d'accord avec toi, j'ai bien compris, même moi :-), que tout ça était un peu compliqué à expliquer à des gens qui voient les touristes européens comme des gens riches, donc enviables. Et comme c'est les seuls occidentaux qu'ils connaissent, l'Europe apparaît comme un eldorado. Je me vois mal en train de demander à un agriculteur malgache dans une région complètement paumée tel un VGE local : "mais dites-donc mon brave, avez-vous pensé au déséquilibre de la balance des paiements dans le cadre d'une aide du FMI ? Comme chez vous, donc... Oui ? Non ? Peut-être ?" :-) Par contre, ils comprennent parfaitement les pbs d'accroissement des inégalités dès qu'ils y sont confrontés, mais c'est généralement trop tard.
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H
Pauvre philippe, il a du se gourer en  publiant son commentaire...Juste pour ajouter un truc, l'Europe (et par extenso le modèle occidental) c'est la région du globe où les gens gagnent le plus d'argent (pas le pays mais la région) par habitant. Alors allez expliquez que ce modèle n'est pas si bien à qqn qui gange 350€ par mois... S'il ne vous comprend pas, je crois que je sais pourquoi (ainsi que pourquoi on dépense plus pour les touristes que pour les pauvres d'un pays dont l'une des principales sources de revenus est le tourisme). Malgré tout, continue à nous raconter vos aventures, c'est tellement "exotique" !
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